Moi qui pensait m'enfoncer dans la grosse machine tête en avant, je m'y suis enfoncé les pieds en premier... c'était pas IRM, c'était scanner... la moitié du corps qui sort qu'on aurait photographié peut faire imager une naissance d'un oeuf... une peinture qu'aurait pu faire Dali, une naissance sans souffrance et qui poserait une nouvelle question : Est-ce l'homme avant l'oeuf ou la poule ? L'a-ton rôti ou l'a-t-on mangé en omelette ? L'humanité se posera toujours la question...

La peinture de Dali est-elle une peinture de non-souffrance ? J'avoue que je ne me suis jamais posé la question parce que des questions on s'en pose toujours... l'oeuf et la poule en étant un flagrant exemple... la peinture qui raconte le passé de nos sociétés est devenue métaphorique... on ne dit pas l'Histoire, on dit les états d'âme... et encore je dis qu'elle nous fait poser des questions du genre « Comment peut-on payer des millions pour ça ? »

La grosse machine donc... allongé sur une planche à matelas pas gros et confortable, les bras allongés au-dessus de la tête, le produit qui s'enfonce dans mes veines et qui réchauffe le bout des pieds et les enjoliveuses et donne mauvais goût sur la droite du bout de la langue et au fond de la gorge, je pénètre le gros oeuf... ma tête toujours dehors, l'estomac s'installe sous un sas de cinquante centimètres, un clignotement clignote et une voix féminine de synthèse dit « Inspirez. Retenez votre respiration. Respirez. »

A « Retenez votre respiration » je me dis pourvu que ça dure pas des heures et je souris. Au « Retenez votre respiration » suivant je me retiens de ne pas éclater de rire.

J'ai fait le yoyo lent et allongé trois fois, ou quatre qu'importe... puis arrive l'infirmier qui me fait m'asseoir et me dit de rester assis quelques instants avant que de me mettre debout et de retourner dans la salle de changement et d'attendre que passe le docteur...

Et je suis là, rhabillé de mon pantalon et de mes sandales aux pieds à attendre... on passe sa vie à attendre... un homme en chemise se place dans l'encadrement et me demande c'est quand on m'a ôté la rate...

J'ai passé deux semaines à me demander comment ce serait se faire IRMer (parce que j'avais pas compris que ce serait un scanner en fait) et le mec me demande c'est quand que je me suis fait dérater... on s'en fout de quand c'était la campagne de dératisation de 1971, année des traversées d'avenues sans attention...

Il feuillette trois feuilles et me dit que les tumeurs sont bégnines (il cause de mes deux kystes au foie) à quoi je demande si je devrais suivre un traitement... me dit de voir ça avec mon médecin habituel...

Faut que je retourne chercher les résultats... quand je sais pas... vont m'envoyer un courrier ? Parce qu'ils ont toutes mes analyses de sang, les radiographies et les résultats de l'échographie du foie... les résultats du doppler je ne les avais pas mis dans la grande enveloppe...

Faut encore attendre... on attend toujours et on se pose toujours des questions depuis l'oeuf et la poule...